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Le suspense chez Brian De Palma : CARRIE (1976)

Séance du 27 mars 2012

Carrie White vit avec sa mère, catholique fanatique et obsessionnelle, tout en poursuivant une scolarité contrariée au lycée Bates High School, où elle est la tête de turc de ses camarades de classe. Un jour, Tommy Ross vient lui demander contre toute attente d’être sa cavalière pour le bal de fin d’année. D’abord réticente, elle accepte et devient l’attention de tous les regards. Mais derrière le cliché festif se cache une réalité bien plus sombre…

Séquence analysée :

 Scène cliché : bal de fin d’année (mythologie américaine)
 Effet de flou (conte de fée)
 Dilatation du temps
 Alternance musicale
 Effet de montage ("split-screen) : démultiplication des points de vue

Le montage est une leçon de découpage, alternant les plans d’ensemble sur le public et en particulier la réaction de Miss Collins d‘abord tout aussi heureuse puis suspicieuse, les plans rapprochés sur le visage de Sue, les gros plans sur les yeux et la bouche de Chris, sur sa main tenant la corde, alternant les points de vue, faisant pivoter l’axe de la caméra pour des raisons de fluidité, faisant de légers panoramiques à droite et à gauche en suivant Sue changer de place, s’attardant sur un détail en particulier, utilisant le gros plan à des fins dramatiques, soulignant l’éclatement des barrières entre Carrie et la foule par le champ/contre champ, puis s’investissant dans l’imminence du moment tant redouté grâce à la résonance de la bande-son changeant de ton d’une minute à l’autre, puis d’une seconde à l’autre, avec un rythme trépidant, de plus en plus soutenu, laissant les violons se déchaîner, jusqu’à la chute du seau sur Carrie dans un dernier sourire figé à jamais sur pellicule. Le long silence qui suit terrorise littéralement parce qu’il sous-entend que tout cela était joué d’avance, le rire de Norma présente au premier rang, puis ceux des autres spectateurs finissent par devenir insupportables. Chaque personnage a un point de vue différent selon l’endroit où il est placé, que ce soit sur la scène, dans le public, sous l’estrade, ou sur les côtés, mais ceux-ci convergent vers un seul endroit, central, déterminant : celui du couple formé par Carrie et Tommy et qui en l’espace d’un instant est anéanti.

A propos du suspense, Hitchcock expliquait à Truffaut :
« Il y a peut-être une bombe sous cette table et notre conversation est très ordinaire, il ne se passe rien de spécial, et tout d’un coup : boum, explosion. Le public est surpris, mais, avant qu’il ne l’ait été, on lui a montré une scène absolument ordinaire, dénuée d’intérêt. Maintenant, examinons le suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu’il a vu l’anarchiste la déposer. Le public sait que la bombe explosera à une heure et il sait qu’il est une heure moins le quart - il y a une horloge dans le décor ; la même conversation anodine devient tout à coup très intéressante parce que le public participe à la scène. Il a envie de dire aux personnages qui sont sur l’écran : « Vous ne devriez pas raconter des choses si banales, il y a une bombe sous la table, et elle va bientôt exploser. » Dans le premier cas, on a offert au public quinze secondes de surprise au moment de l’explosion. Dans le deuxième cas, nous lui offrons quinze minutes de suspense. »
Que fait d’autre Brain de Palma, que de nous dire qu’il y a une bombe dans la salle de bal ?

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